Sociologie

Saint Loup de Naud : un village ?

 Situé en Pays Briard, à 4 kilomètres de Provins cité médiévale, Patrimoine de l’Unesco, Saint Loup émerge d’un îlot de verdure qui ne fait point penser aux immenses plaines à blé. Il se trouve à la limite du Montois et les forêts n’ont pas été défrichées car elles appartiennent pour la plupart depuis 1900, à la Ville de Paris qui en a capté les sources nombreuses pour  l’alimentation en eau de la capitale. Le village est formé de quatre hameaux bien distincts : Le Noyau,,  Courton le Haut, Courton le Bas et Saint-Loup. Bien que la population soit en augmentation constante (plus de 900 habitants) la séparation des villages ne permet pas d’avoir un véritable centre où l’on pourrait retrouver quelques commerces. Ceux-ci ayant disparu, dès l’arrivée des grandes surfaces de Provins, ils n’ont pas été remplacés contrairement à ce qui se passe maintenant dans des villages plus petits. Pour respecter la parité des hameaux longtemps assez agressifs entre eux, l’école et la mairie sont à Courton, l’église étant à Saint-Loup
Durant tout le Moyen-Âge, la prospérité de l’abbaye bénédictine a permis la construction de sa magnifique église romane et la réalisation d’un portail du premier gothique comprenant un ensemble sculptural  parfaitement conservé et qui fait l’admiration d’un public universel. On imagine vu l’importance des monuments qui restent, que le village a du être riche à cette époque et l’afflux des croyants considérable, puisque l’abbaye détenait les reliques de Saint Loup. L’église et le site sont classés et inscrits, ce qui cause quelques difficultés pour les gens avec leur permis de construire, mais en même temps, conserve au village toute son intégrité, fait que les propriétés sont très recherchées et inspire un tourisme admiratif.
Avec le déclin et l’incendie de l’abbaye, on n’entend plus parler de Saint-Loup. C’est un village rural typique avec de nombreuses fermettes, quelques fermes plus importantes avec des vaches et des moutons et même quelques vignobles ! La vie est essentiellement tournée vers l’agriculture. Il y a un maréchal-ferrant, beaucoup de cafés, et de nombreux ouvriers agricoles. La population est sédentaire. Puis au début du XX° siècle, un événement va bouleverser  la vie sociale, c’est la découverte de gisements d’argile très importants et de très bonne qualité. Cette argile va être extraite en mines (45m de fond) et on va voir arriver une population soit venue du Nord par expérience, soit des immigrés, italiens et polonais. Le travail est difficile, mais il y a du travail. La ligne de chemin de fer passe tout à côté et l’argile peut être envoyée dans toute l’Europe, soit par le rail soit par péniche (à Bray-sur-Seine). Tout à côté, à Longueville à 3 kilomètres, les usines de métallurgie Degond, attirées par la proximité du train, prospèrent (620 ouvriers). Le village va alors complètement changer. Sa population, de rurale va devenir ouvrière. L’arrivée du Front Populaire va trouver des échos dans cette population et la Mairie d’alors,  va faire construire une magnifique école moderne pour ses enfants, une des plus belles du canton, à Courton-le-Bas,  Saint-Loup étant considéré comme le fief du patronat…Pendant de longues décennies la mairie sera tenue par le parti communiste, représentant la classe des travailleurs. Il y a plus de 120 élèves à l’école, les familles sont nombreuses, les mères font souvent les 3 x 8, chez Degond, c'est-à-dire qu’elles doivent travailler de nuit comme de jour. L’eau courante sur l’évier ne sera mise à Courton que dans les années 60. La vie est difficile mais différente d’à l’heure actuelle. Il y a beaucoup de commerces, une alimentation dans chaque hameau, des cafés où les hommes se retrouvent le soir après leur pénible journée de travail. Les liens sont serrés entre les gens, soit par nécessité, soit par un fort syndicalisme.
À l’heure actuelle, après la disparition des usines de la petite vallée et celles des mines, le tissu social s’est désagrégé. Bien sûr, il y a encore le train, mais il ne sert plus aux marchandises, il transporte les gens, du matin au soir, vers la région parisienne pour y trouver du travail. L’usine Degond est devenue un parkinget les 7 ha de friches industrielles sont lamentablement vides.  Après leur fermeture, il y a eu beaucoup de chômage. Papa et maman  se lèvent tôt, rentrent tard. La vie de famille est courte. L’école est toujours à la limite de fermer une classe.  La population ancienne disparaît petit à petit et est remplacée par celle de la grande couronne qui préfère vivre « au vert ». Ça va, ça vient. Les maisons, les terrains sont devenus hors de prix, s’achètent et se revendent. On ne connaît plus personne. Tous les commerces ont disparu, plus de boulanger, plus de café,  et les seules agoras où on peut encore se rencontrer  sont le Centre Leclerq,  Intermarché, ou Ecomarché. 

Comme on dit « on ne lutte pas contre le Progrès »….mais de quel progrès s'agit-il quand on ne le maîtrrise pas  ?
 

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