Violet Trefusis
"Anglaise de naissance et Française de coeur"
Ces mots sont gravés une plaque à côté de l’urne qui aurait du contenir ses cendres, sur le mur d’une salle mitoyenne du cellier faussement-dit « Grange aux Dîmes », à la Tour. Ils représentent bien l’amour que Violet avait pour la France et pour la Tour, une de ses habitations.
Violet Keppel est née en 1894 à Londres. Sa ravissante mère Alice, était la maîtresse attitrée du roi d’Angleterre, Édouard VII , ce qui faisait dire à Violet qu’elle avait du sang « bleu » ce qui ne pouvait être que pure fantaisie, sa mère ne connaissant pas encore le Prince de Galles, futur roi, à sa naissance. Mais le personnage de Violet est ainsi fait qu’elle a toujours essayé de broder autour de sa vie. Toute son enfance se fera dans le sillage de sa mère, véritable idole, de voyages en voyages, de palaces en palaces, ou à l’Ombrellino, belle propriété florentine où elle côtoiera de nombreuses têtes couronnées. Elle en gardera le goût de l’apparat, le besoin de nouer des relations aristocratiques et de s’entourer de la « Hight Society ».
Ensuite, son adolescence et sa vie ne furent qu’une suite d’aventures multiples aussi passionnées qu’excentriques. Défrayant la chronique à une époque où l’homosexualité non seulement n’était pas reconnue mais encore discréditée, elle vécut avec des femmes et en particulier avec Vita Sackville West, son grand amour et sa grande blessure. Vita était une femme de lettres, elle-même l’amie de Virginia Woolf, dont le fils Nigel Nicholson dévoilera l’intimité dans un livre « Portrait d’un Mariage ». Alice Keppel, très pointilleuse sur sa respectabilité, marie sa fille Violet quasiment de force avec le capitaine Denys Trefusis, issu d’une grande famille anglaise. S’en suivront des événements aussi tumultueux que violents, les deux maris voulant récupérer leurs épouses, folles amoureuses l’une de l’autre. Elles quitteront l’Angleterre pour la France qui fut toujours le refuge de Violet, puis reviendront en Angleterre jusqu’à leur séparation douloureuse, surtout pour Violet en 1921. Plus ou moins pacifiquement, Denys et Violet reprendront la vie commune et habiteront Paris. Violet va y rencontrer la princesse Winaretta de Polignac, elle aussi lesbienne, très musicienne, mécène des artistes, très riche (fille d' Isaac Singer inventeur de la machine à coudre) Grâce à Winaretta qui s’est éprise d’elle, Violet va connaître dans son Salon, ce que le Tout-Paris compte comme artistes. C’est pourquoi, nous retrouverons plus tard, dans les fameux Livres d’Or de la Tour, les plus grands noms de la musique, Francis Poulenc, Auric, Sauguet, le Groupe des Six, Arthur Rubinstein, Stravinsky… et ceux de la littérature : de Noailles, Cocteau, Colette, Max Jacob, Karen Blixen, Hervé Bazin, Philippe Julian, Françoise Sagan…Il est étrange de penser que tous ces personnages sont venus à la Tour de Saint- Loup pour un des ces week-ends fantasques et hallucinants comme en préparait Violet. La Tour ? ce sera le cadeau d’adieu de Winaretta éprise d’une autre, à Violet, qui en fera sa maison de campagne. Elle y invitera tous ses nombreux amis parisiens et d’ailleurs, qu’ils soient aristocrates, peintres, écrivains, grands couturiers, ambassadeurs ou hommes politiques. Elle se remet à l’écriture et on édite plusieurs de ses romans Prélude au Désastre, Broderie anglaise, Echo qui auront un certain succès. Pendant la guerre elle retournera en Angleterre et reviendra en 1945 en France À partir de là, elle louera l’appartement de la rue de Verneuil et viendra très souvent à la Tour. Curieusement, Vita viendra à Saint-Loup plusieurs fois et c’est dans une atmosphère apaisée qu’elles se rencontreront. Après la mort de ses parents en 1947, Violet partagera son temps entre Saint-Loup, Paris et l’Ombrellino, la propriété de sa mère, à Florence. C’est là qu’elle y rencontrera un jeune politicien quadragénaire du nom de François Mitterrand. Il reviendra plusieurs fois la voir en Italie, à Paris ou à Saint -Loup. Et c’est certainement à cause de cette amitié qui les lie, que Thierry de Beaucé, Secrétaire d’État à la Francophonie rachètera la Tour à l’architecte Couelle Après la mort de Vita en 1962, Violet restera avec son "bâton de vieillesse " comme elle le disait, John Phillips, un Américain qui restera près d’elle, comme son confident et ami, jusqu’à sa mort à l’Ombrellino en 1972. Il héritera de la Tour et ne pouvant l’entretenir la vendra ainsi que tous les meubles. Un architecte en renom Monsieur de Couelle l’occupera très peu de temps. Voulant "couelliser"la Tour, il négligera le jardin florentin et les buis ne seront plus taillés, fera retirer du jardin d’hiver les peintures de Philippe Jullian , et enlever l’urne qui contenait les cendres de Violet. Mais François Mitterrand averti, les fera revenir et c’est le Duc d’Harcourt grand ami de Violet qui les dispersera dans les jardins.
Malgré les différents propriétaires qui ont acquis la Tour depuis Violet Trefusis, on ne peut s’empêcher de penser qu’elle en fut la seule maîtresse, tellement son âme errante imprègne les lieux. Cette femme hors du commun, à la fois mondaine et solitaire, passionnée et secrète n’a, en fait, jamais eu de repos.
Puissent les vallons et les sources de notre village lui en apporter.